Lily Becker, née en 1898 à Luxembourg, adhère très tôt au mouvement ouvrier, rejoint le parti socialiste en avril 1919 et devient une activiste engagée. L’intérêt pour la politique lui est mis au berceau par sa mère qui est elle-même membre du parti socialiste et du conseil communal de la Ville de Luxembourg en 1924. La jeune Lily Becker prononce un discours spontané lors de la manifestation du 13 août 1919 dans la capitale, traitant de la prime de vie chère et des prix des aliments. Ces paroles flamboyantes sont considérées comme le début de son engagement politique tout au long de sa vie .¹
A partir de 1919, elle essaie de créer une « Association des employées et ouvrières féminines ». Dans le journal «Der Proletarier» elle lance l’appel: « Réveillez-vous! Camarades! (…) Ma soeur, toi qui dois accomplir jour pour jour un dur travail dans l’ambiance poussiéreuse de l’usine; mon amie, toi qui es assise dans un comptoir mal aéré devant de gros livres; toi, ma collègue, qui dans l’atelier te piques les mains jusqu’à faire perler le sang; toi, ma camarade, qui te tiens debout tout au long du mois derrière un comptoir de magasin pour un salaire de misère; vous toutes qui avez des soucis et qui peinez, venez chez nous, venez avec nous.»²
En 1920, elle abandonne le travail de vendeuse et devient secrétaire adjointe pour le secrétariat de la commission des syndicats créée la même année. Lors de la démonstration du premier mai en 1920 à Esch-sur-Alzette, la jeune femme parle en public. Dans le journal hebdomadaire « Proletarier », elle écrit des articles sous la rubrique « Critique du temps » surtout sur des sujets féminins et des problèmes sociaux. Lorsque la chambre des ouvriers est fondée en 1924, la jeune fonctionnaire syndicale prend en charge le secrétariat, fonction qu’elle assurera jusqu’en 1937. Lily aide à fonder, en 1927, l’organisation féminine « Foyer de la Femme » et en devient vice- présidente.
Lors de son adhésion au parti socialiste en 1919, Lily Becker fait la connaissance de Pierre Krier, syndicaliste et député parlementaire à l’époque. De leur passion commune pour la cause ouvrière naîtra leur amour. Lily Becker se marie avec Pierre Krier le 7 mai 1923 à Esch/Alzette. Leur engagement soutenu dans leur vie professionnelle et politique et leur rythme de vie galopant, ainsi que leur sens de responsabilité leur défendent d’avoir des enfants dans ces temps difficiles. Lily Krier-Becker, très engagée aux côtés de son époux, dit d’elle-même qu’elle a vite appris à devenir autonome et à prendre des décisions seule! Toutefois lorsque son mari devient membre du gouvernement en 1937, Lily cesse toute activité politique et syndicaliste. Elle refera son apparition sur la scène publique après la guerre.
Dans les années 30 Lily Krier-Becker fait partie de ceux et celles qui soutiennent les réfugiés de l’Allemagne nazie. Visé lui-même par la vindicte nazie, le couple fuit le Luxembourg en 1940. Lily Krier-Becker reste en France, à Avallon, tandis que son mari, toujours dans sa fonction de ministre du travail, doit s’exiler d’abord au Portugal, où Lily réussit à le joindre à Lisbonne après six mois de séparation. Les époux vivent à Londres, puis aux Etats-Unis. Le Tageblatt publie le 15 novembre 1944 un article de Lily Krier-Becker de New York «Glossen zur Wahl Roosevelts » Elle brigue un mandat politique en 1945 pour le compte du parti socialiste. Jusqu’en 1950, Lily Krier-Becker reste membre de la direction du parti, elle s’engage dans le mouvement européen et écrit des articles pour la presse syndicale.
En 1979 elle exprime rétrospectivement sa déception sur l’introduction du droit de vote en 1919 dans un article: « A cette époque, les femmes ne s’en souciaient nullement. On leur a jeté le droit de vote en cadeau pour sauver la dynastie.» La syndicaliste s’éteint en octobre 1981.
Sources:
● ¹ Renée Wagener, «…wie eine frühreife Frucht». Zur Geschichte des Frauenwahlrechts in Luxemburg, Luxembourg 1994, p. 84-85.
● Ben Fayot, Lily Krier-Becker (1898-1981), in: Tageblatt du 5 novembre 1981 n°252, p. 8.
● ² Goffinet, Viviane: «Die Arbeiterinnen sollen heraustreten aus dem Schatten ihrer Maschinen [...]» : Frauen und Gewerkschaften zwischen 1900 und 1938, in: «Wenn nun wir Frauen auch das Wort ergreifen …», p. 239-254.
● Lily Krier-Becker: „Pierre Krier. Ein Lebensbild“, Luxembourg, 1957.